Un bon thérapeute ne prend pas le pouvoir : il le redonne” | Interview de Tiphaine Touzeil, hypnothérapeute à Perpignan
Les thérapies alternatives connaissent un succès soutenu dans la population, malgré leur rejet par les tenants de la médecine.
Ecoutez ce qu’une praticienne de l’hypnothérapie, Tiphaine Touzeil, a à nous dire sur son métier.
Table des matières
Les bases de la thérapie par l’hypnose
Question. Tiphaine Touzeil, en quoi consiste votre métier, l’hypnothérapie ?
Tiphaine Touzeil : Mon métier consiste dans un premier temps à écouter les gens, en s’abstenant de les juger, en s’abstenant de vouloir ou de comprendre à leur place.
Dans un second temps, il consiste à créer les conditions favorables (relation de confiance, cadre sécurisant, explications claires sur les méthodes employées, leurs possibilités et leurs limites) à un travail thérapeutique.
Enfin, dans un dernier temps, il consiste à utiliser l’état d’hypnose pour mettre en place des changements (de comportement, de croyances, de manière de se définir ou de définir sa relation à l’Autre).
Q. Comment devient-on hypnothérapeute ?
Tiphaine Touzeil : C’est une vaste question 🙂 Il y a plusieurs grandes écoles reconnues en France et il y a également de nombreuses formations en ligne plus ou moins dignes de confiance. Ma réponse personnelle est qu’il y a une formation théorique et pratique nécessaire, elle dure au moins deux ans et comprend de nombreux exercices pratiques mais ensuite il y a une formation tout au long de la vie qui permet d’enrichir ses connaissances sur des sujets en constante évolution tels que les neurosciences ou les nouvelles techniques ou protocoles développés par les thérapeutes internationaux. L’hypnose est en constante évolution, plus vous êtes au courant de ces évolutions et plus votre propre expérience est grande plus vous êtes compétent.
Q. Que soigne-t-on avec l’hypnose ? Est-ce que ça marche vraiment ? Est-ce prouvé ?
Tiphaine Touzeil : L’hypnose de manière générale ne soigne pas, l’hypnose est un outil qui permet d’accompagner un changement. C’est un peu hypocrite de le dire de cette manière dans la mesure où un médecin qui utilise l’hypnose a parfaitement le droit de dire qu’il soigne mais la plupart des hypnothérapeutes ou hypnologues ne sont pas docteurs en médecine, ils n’ont donc pas le droit de dire qu’ils soignent.
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Donc avec l’hypnose on ne soigne pas mais on accompagne des personnes en souffrance en créant des conditions favorables à une forme de guérison.
Quand une personne vient me voir avec une problématique médicale ou psychiatrique, je m’assure toujours de l’envoyer en première instance vers un professionnel de santé et, si je le peux, je travaille en collaboration avec ce professionnel.
Est-ce que l’hypnose fonctionne ?
Plutôt très bien, oui. L’état d’hypnose est un état dans lequel la personne est plus réceptive aux suggestions, l’hypnose permet une forme de lâcher prise c’est à dire la possibilité de penser autrement, la possibilité de laisser dans le passé ce qui appartient au passé, la possibilité de construire un avenir ou une image de soi différentes, par exemple.
De manière générale, l’hypnose est souvent un état de relaxation, un hypnothérapeute qui apprend à son client l’auto-hypnose lui permet par exemple de mieux gérer ses émotions et cet apaisement “auto géré” peut permettre au consultant de retrouver une forme de sérénité qui l’aidera à supporter mieux une maladie physique ou mentale, par exemple.
L’hypnose médicale est validée scientifiquement, ses effets sont mesurables et mesurés, au minimum on sait aujourd’hui que l’hypnose agit de manière concrète sur la gestion de la douleur c’est une des raisons pour lesquelles par exemple on l’utilise de plus en plus dans les hôpitaux.
L’hypnothérapie et la science
Q. L’hypnose et d’autres pratiques ont été exclues de Doctolib, car l’ordre des médecins considère qu’elles ne font pas partie de la médecine scientifique. Qu’en pensez-vous ?
Tiphaine Touzeil : Je comprends parfaitement le besoin d’encadrer les médecines alternatives, il est important de ne pas faire n’importe quoi et de préserver la sécurité et la santé mentale et physique des patients. Un hypnothérapeute n’est que rarement médecin, et, comme chez les médecins d’ailleurs, on peut trouver chez les hypnothérapeutes des charlatans, des gens mal formés, des gens mal intentionnés, le nier serait une erreur.
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Est-ce pour autant une bonne idée de réserver l’hypnothérapie aux seuls médecins ? Je ne le crois pas. D’abord parce que les médecins sont débordés, ils n’ont hélas que peu de temps à accorder à leurs patients. Or l’hypnothérapie demande un minimum de temps, un minimum de confiance aussi, et un maximum de pratique.
Un médecin qui suit un séminaire d’une semaine peut se dire hypnothérapeute, mais on ne m’enlèvera pas l’idée qu’un hypnothérapeute qui a suivi deux ans de formation et qui a quinze ans de pratique est sans doute un peu plus qualifié, en fin de compte.
Q. Vous êtes vous-même critique vis-à-vis de certaines pratiques. Vous mettez par exemple en garde concernant certaines formes de “constellations familiales”. Pour quelles raisons ?
Tiphaine Touzeil : Je suis quelqu’un de cartésien, j’ai besoin de comprendre, d’avoir des bases solides et des explications valides d’un protocole ou d’une technique avant de pouvoir les appliquer.
L’hypnose a une validité scientifique dont je ne doute pas.
Il y a par ailleurs une kyrielle de thérapeutes et de thérapies dont les bases sont spirituelles (donc non prouvables) dans certains cas, totalement délirantes pour d’autres. Je m’en méfie car je sais par expérience qu’il est hélas facile d’abuser des personnes en détresse, surtout si elles ont été rejetées ou méprisées par la médecine officielle.
Je m’efforce donc de rester cohérente avec qui je suis et avec ce que je sais des médecines alternatives, et je ne propose à mes clients que des protocoles ou des techniques dont j’ai pu soit comprendre et expérimenter la validité scientifique (l’hypnose ou l’EMDR par exemple) soit tester par l’expérience le fait qu’elles étaient efficaces même si on ne comprend pas encore scientifiquement pourquoi c’est efficace.
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Pour ce qui est des constellations familiales, j’en propose mais je m’assure toujours de bien expliquer à la personne qu’elle va vivre une expérience (dans un cadre sécurisé) qui peut-être va l’aider à mieux comprendre ce qui se joue dans sa vie (des répétitions, des loyautés familiales par exemple) mais sans jamais postuler qu’il y aurait une vérité ésotérique ou spirituelle.
Chacun est libre de ses croyances, je ne cherche pas à nier celles de mes clients, je suis simplement honnête et je me méfie des thérapeutes qui font de fausses promesses (vous allez “guérir” si vous faites tel protocole énergétique / chamanique etc) ou qui sont persuadés de détenir “la vérité”.
Pour le résumer, je pense que le client est celui qui sait le mieux ce qui est bon pour lui, ça ne peut pas être moi, je ne sais pas plus ou mieux que lui, moi je me contente de mettre à sa disposition des outils thérapeutiques qui vont l’aider soit à changer soit à s’accepter.
Q. Pour vous, l’hypnose est-elle une autre forme de thérapie par la parole, comme la psychanalyse ou la psychologie clinique ?
Tiphaine Touzeil : La parole est en effet très importante en hypnose, mais on peut faire de l’hypnothérapie sans parler, aussi étonnant que cela puisse paraître !
Le plus important pour moi c’est d’abord d’écouter la personne en créant un cadre sécurisant, on ne peut pas confier son inconscient, son intimité, ou ses secrets si on se sent jugé, mal compris ou humilié.
Cela signifie que je ne parle pas forcément beaucoup, j’écoute, j’observe, ce qui est dit, ce qui n’est pas dit, ce que le corps exprime, le ton de la voix, les mots qu’emploie la personne, ses micro expressions, etc.
Et, de temps en temps, je pose une question, ou je fais une remarque et cela peut déjà être un début de prise de conscience majeur.
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En psychanalyse ou en psychologie clinique les thérapeutes ont tendance (c’est une tendance, il y a évidemment des exceptions) à vouloir calquer sur leurs clients des sortes d’étiquettes. Ainsi, vous serez plus ou moins rapidement étiqueté comme dépressif, bipolaire, névrotique etc
Ce n’est pas toujours mauvais de se retrouver avec des étiquettes, ça peut aider à mieux se comprendre, par exemple. Hélas, ça n’est pas parce qu’on comprend pourquoi on va mal qu’on va bien.
La plupart des gens savent assez bien pourquoi ils vont mal et, oui, en effet, c’est souvent lié à leur enfance.
Je préfère considérer que chaque personne est unique, je ne l’enferme pas dans une petite case pour lui proposer ensuite la thérapie qui fonctionne pour les gens qui sont dans cette petite case, je trouve que c’est globalement inefficace.
L’hypnothérapeute ne cherche pas forcément à trouver LA source d’un problème, il cherche à faire en sorte de comprendre, avec son client, quel est l’intérêt de ce problème, son “bénéfice secondaire”.
Prenons un exemple pour expliquer cela. Imaginons une personne qui a un problème avec sa voiture. L’hypnothérapeute est un mécanicien qui connaît très bien le fonctionnement des voitures, il sait qu’elles sont toutes différentes mais il sait aussi qu’il y a une mécanique qui explique son fonctionnement comme ses dysfonctionnements. Donc si le problème c’est la batterie, il va changer la batterie, par exemple.
Un psychanalyste ou un psychologue clinicien c’est un mécanicien chez qui vous allez une fois par semaine et qui vous explique pourquoi il faut changer la batterie.
C’est une bonne chose, parce qu’au bout de quelques mois vous avez bien compris pourquoi votre voiture ne roule pas. Mais elle ne roule pas 🙂
Toute personne qui a envie de se connaître, d’explorer ses propres mécanismes trouvera de l’intérêt à cette démarche, je ne la critique pas, je la trouve intéressante et valable.
Mais si ce qu’on souhaite c’est simplement pouvoir se libérer d’un problème, on n’est pas forcément obligé de comprendre pourquoi il est là.
Q. Tiphaine Touzeil, merci !
Le site de Tiphaine : https://www.hypnozh.com/